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Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

G comme Gendre


Il faut parfois remonter fort loin pour comprendre certaines rancoeurs familiales qui se manifestent à l'occasion d'une succession et d'un partage. Voici l'histoire qui conduisit à la déception de mon père lors du partage des possessions de ses parents.

Mon grand-père paternel était un gendre. « Faire gendre » dit-on dans le pays de mes ancêtres des jeunes hommes qui apportent leur force de travail et leur promesse de descendance dans une famille ayant du bien mais manquant de force de travail ; leur propre famille n'ayant pas les moyens ou l'envie de partager le patrimoine et le futur gendre ayant sans doute envie de quitter sa propre famille. Le choix du gendre n'était pas laissé au hasard, mais j'en parlerai dans un autre billet.

Mon grand-père paternel Jean Godard (un des fils de celui qui a fait la guerre dans B comme Biographie ) a ainsi épousé ma grand-mère Maria Guyonnet qui n'avait que des sœurs.

Les parents de ma grand-mère venaient d'acheter une ferme convoitée depuis des générations et il fallait un homme pour l'exploiter. Le contrat de mariage de mes grands-parents, conclu devant Me Chabanet notaire à Augerolles, date de 1923 mais il ressemble en tous points aux contrats passés un siècle auparavant. Il détaille les apports des parents respectifs, les règles de cohabitation et la dédite en cas de mésentente ainsi que la répartition des bénéfices. Maria est avantagée d’un quart en préciput sur ses sœurs pour la propriété acquise en 1921 des Lévigne-Verdier et reçoit aussi de sa mère en préciput les bois et pacages nommés les Berthes et une part du scitol des Virets résultant du partage de 1920. Les parents de Jean apportent douze mille Francs en billets de la Banque de France et Jean apporte cent Francs de son épargne personnelle.

« les époux Guyonnet s’obligent à recevoir les futurs époux, en leur demeure et compagnie, à les loger, à les nourrir et entretenir, selon leur état et condition, sauf de la part des époux à apporter leur travail et leurs soins dans le ménage commun. Toutefois cette cohabitation n’empêchera pas lesdits futurs de réaliser des bénéfices sur leurs biens propres et leur industrie et pendant tout le temps que durera cette cohabitation, les dits futurs auront droit à la moitié des bénéfices nets qui se réaliseront dans le ménage commun, lesquels bénéfices seront partagés chaque année au 31 décembre. Et si cette cohabitation vient à cesser pour cause d’incompatibilité, les époux Guyonnet s’obligent solidairement mais pour ce cas seulement à payer et verser aux futurs époux... deux cents francs par an, ladite somme représentant le revenu annuel du quart de propriété donné plus haut en préciput à la future épouse. » (source AD63 contrat de mariage Jean Godard-Maria Guyonnet)

Le contrat est passé sous le régime de la communauté réduite aux acquets.

Les deux sœurs de ma grand-mère sont restées célibataires et ont embrassé des carrières de fonctionnaires, l'une comme institutrice, l'autre comme employée des postes. Elles n'habitaient avec mes grands parents que pendant les vacances. (C comme collatéraux). J'ai appris à la mort de mes propres parents en parcourant leurs papiers que la propriété acquise en 1921 était restée en indivision jusqu'en 1982. Ma grand-tante survivante (Finette Guyonnet) figurait au partage au même titre que mon père et ma tante. Soixante ans après, l'indivision n'avait pas cessé.

Mon grand-père a ainsi exploité toute sa vie des terres qui appartenaient à sa femme et à ses belles-sœurs...sous leur contrôle attentif...ce que je n'ai compris que récemment. Il est probable que son grand-père maternel Jean Brière avait été dans la même situation en épousant Claudine Treille, sœur de Claude Treille, dit le riche et entrant ainsi dans une famille endeuillée et divisée par la mort à Mexico de Claude Treille, l'oncle dont j'ai parlé dans E comme Emigration.

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