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Danièle Godard-Livet

J comme Jugement (et jugements)


Jugement de divorce, jugement à l'occasion d'une succession contestée et portée devant le juge, condamnation pour faillite, condamnation à la prison, on trouve beaucoup de choses dans l'histoire de nos ancêtres. Le généalogiste qui veut raconter l'histoire de ses ancêtres ne sait pas toujours quel regard porter aujourd'hui sur ces jugements et les juge lui-même à l'aune de son propre regard sur l'histoire :

- le curé de l'ancien régime condamné pour n'avoir pas juré est aujourd'hui plutôt un titre de gloire dans les familles;

- mais l'ancêtre condamné pour désertion par le conseil de guerre pendant la grande guerre reste infamant, malgré la réhabilitation des fusillés de la grande guerre.

J'ai deux beaux exemples dans ma généalogie :

Mon arrière grand-père paternel Michel Sauzede, failli qui a fait racheter sa dette par ses enfants, a gardé l'usufruit de la propriété sa vie durant en demandant de plus à ses enfants de renoncer aux droits qu'ils avaient sur la communauté qu'il avait eu avec leur mère. La découverte de ces actes transmis par le service des archives du Puy-de-Dôme m'a permis de comprendre certains silences familiaux, mais la réprobation exprimée tenait plus au goût de cet ancêtre pour la bouteille qu'à sa faillite (les deux étaient peut-être en partie liés).

Un neveu de mon grand-père maternel, Philippe Maurice Louis qui a une belle histoire d'insoumission pendant la Grande Guerre (déclaré quatre fois déserteur en août, septembre et octobre 1917 puis en décembre 1918 et deux fois condamné par le conseil de guerre en avril 1917 et février 1918... et qui sauva sa peau...mais fit, semble-t-il, quelques années de prison à partir de 1919)

Son nom ne sera jamais prononcé dans la famille, pas plus que celui de son fils Marcel Louis qui mourra comme résistant à 21 ans en août 1944 lors de la libération de la Haute Savoie.

Ils habitaient le même village que mon grand-père et le père était même gardien des adductions d'eau de l'usine où travaillait mon grand-père. Quelle était la cause de ce silence : histoire familiale déjà fortement réprouvée (sa mère avait eu plusieurs enfants naturels avant d'épouser un mari sans lequel elle rentra seule au village de son enfance) ? distance prise dans les familles au fil du temps ? Désertions du père lors de la grande guerre ou maquis communiste rallié par le fils ?

Sylvie Dubin dans "Le vent du boulet- récit(s) autour de la Grande Guerre" traite, entre autres, d'un cas de désertion pendant la Grande Guerre. C'est un livre à lire par ceux que la Grande Guerre intéresse.

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