Ma fille me racontait que sa meilleure amie, trentenaire comme elle, ne lisait que des biographies de personnages célèbres. Vous imaginez mon étonnement de biographe : les biographies feraient partie des lectures préférées des jeunes !
J'ai bien sûr tout de suite offert « Histoire de ma vie » de George Sand à cette jeune femme ; je vous en ai déjà parlé car c'est une des plus grandes autobiographies que je connaisse : née au moment où la révolution et les guerres napoléoniennes étaient encore présentes dans toutes les mémoires, élevée dans le tiraillement entre la société campagnarde de sa grand-mère noble et la vie urbaine de sa mère roturière, une féministe, une divorcée, une amoureuse, une révolutionnaire, une écrivaine et une grand-mère heureuse. Une belle leçon de vie !
Mais j'avais trouvé entre temps un autre éloge de la biographie chez une auteure canadienne Catherine Mavrikakis http://littfra.umontreal.ca/repertoire-departement/vue/mavrikakis-catherine/ dans un beau texte intitulé « Par l'exemple »:
« Contrairement à la croyance intellectuelle qui veut que les gens se trouvent dépossédés de leur être par le leurre que constitue l'accès immédiat à l'existence nébuleuse et mensongère d'autrui, la biographie, remplit, à mon avis, une fonction sociale importante, nécessaire et formatrice, dans un monde où la question de l'exemple et du modèle veut être effacée à jamais et où personne dans la sphère du savoir ne tient à occuper, de façon manifeste bien sûr, une fonction d'autorité (ce qui n'est pas sans laisser beaucoup de place à de nombreuses formes de perversion). »
Cette fonction sociale importante c'est celle de la transmission que nos systèmes d'éducation se refuseraient à penser par défiance de l'autorité, par goût de l'universel supérieur au particulier et au personnel et déférence devant la belle forme.
« La biographie a quelque chose du roman de formation, du Bildungsroman qui aurait pas mal disparu de la « grande littérature ». La biographie veut montrer l'exemple ou le contre-exemple aux contemporains par la voie même de l'expérience. […] L'autobiographie témoigne d'un parcours, d'un combat, d'une douleur et d'une persévérance qui permettent à ceux et à celles qui se donnent le mal de lire de penser trouver leur voie par l'exemple. »
« C'est précisément ce lien entre l'universel et le personnel qui se fait de plus en plus mal dans nos systèmes d'éducation. D'un côté le savoir, au nom de la vérité, refuse toute réalité à l'expérience individuelle. De l'autre la culture populaire se crispe trop souvent sur la vie, tout en n'étant pas toujours capable de sortir du particulier. Cela n'est pas sans laisser la place aux religions et aux sectes en tous genres qui savent bien profiter de ce vide. »
L'éternité en accéléré, Montréal, Héliotrope, 2010, 279 p. (ISBN 978-2-9235-1122-1)
Et puis lisez Catherine Mavrikakis, professeure de littérature et auteure, une belle voix forte bien ancrée dans le réel et l'actualité.