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Danièle Godard-Livet

Eugénie crée son emploi 2 (suite)


Martial fut très ferme dès le début. Elle devait adopter une attitude positive et gagnante. Il fallait relooker l’appartement, changer de régime alimentaire et améliorer son look vestimentaire. Même un lifestyle d’artiste ne pouvait apparaître comme négligé dans l’allure comme dans le ton. Construire la confiance avec sa communauté reposait sur trois dimensions : authenticité, éthique, optimisme. Elle pourrait certes parler au début des raisons qui lui avait fait quitter son emploi, mais très vite il faudrait donner un tour enthousiaste à ses posts. Genre « elle sortait de son burn-out, c’était comme une nouvelle naissance, son expérience la rendait plus forte, elle vivait désormais de sa passion ; les interrogations sur soi, sur la perte, sur l’identité ne pouvaient avoir qu’un temps. Dans le dialogue avec sa communauté, c’est la figure d’une femme épanouie qu’elle devait donner. »

Martial dirigea toutes les opérations, rédigea les scénarios des premières vidéos, contrôla son maquillage et son éclairage. Malgré son aide efficace, Eugénie avait l’impression de ne plus avoir une minute à elle : produire des contenus à la fois sur YouTube, Instagram, Pinterest, Facebook et tenir son blog, c’était lourd.

Martial lui imposa également une cohérence des visuels (avec des filtres qu’elle n’aimait pas beaucoup, qui transformait ses photos plus qu’elle ne l’aurait voulu), un rythme de parution et une organisation moins brouillonne de son feed.

C’était lourd, mais la taille de la communauté ne cessait de croître (2000 abonnés en mars) et les premières marques contactèrent Eugénie pour des partenariats. Elle laissa Martial s’occuper de tout, car elle n’avait aucune idée de sa valeur et souffrait du syndrome de l’imposteur ; lui en revanche savait ! Il lui parla beaucoup de partenariats éthiques en accord avec ses valeurs pour conserver la confiance de sa communauté et cela la persuada. Elle, pendant ce temps, pouvait continuer à faire ses petits tutoriels à succès qui étaient la seule partie vraiment plaisante de son nouvel emploi du temps : je construis une boite à secrets, je réalise des cyanotypes, je prépare un kit de survie en entreprise....

Martial la tenait au courant des tendances et des innovations techniques en matière de réseaux sociaux et il fallait suivre pour ne pas se laisser distancer, des plus petites aux plus lourdes : ajouter un lien linktree à sa biographie instagram, être présente sur 21 buttons (le nouveau réseau social de mode et de vêtements), accroître son audience grâce à des robots pour automatiser le travail de suivi (ils choisirent Alfred), se développer grâce à une agence pour influenceurs qui solliciterait plus de partenariats. Martial aurait aimé qu'Eugénie accepte de voyager plus, vers des destinations proches ou lointaines, mais qui font rêver : un week-end à Miami ou une thalasso à Vichy. Elle n'était pas prête. Tant qu'elle acceptait les haul pour présenter les produits reçus des marques, il s'en contentait; on verrait plus tard.

L’audience croissait et les revenus rentraient. Martial grâce à ses 20 % recevait désormais une somme non négligeable. C’est alors qu’il proposa à Eugénie de faire un bébé ensemble. Pour une femme de son âge, ne pas être mère était un handicap pour l’audience, et en revanche un bébé un formidable boosteur d’audience pour longtemps. Eugénie se laissa convaincre d’autant plus facilement qu’elle avait toujours désiré un enfant et que l’horloge biologique avançait inéluctablement.

Elle annonça sa grossesse sur YouTube dans une vidéo qui eut beaucoup de succès et posta un peu partout les clichés de sa première échographie. L’audience grimpa en flèche, les partenariats affluèrent et Martial exigea de passer à 50 %.

(à suivre)

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