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Danièle Godard-Livet

Eugénie crée son emploi 3(suite )


Bébé grandissait, elle s’appelait Agathe. Elle marchait et commençait à dire quelques mots. Martial était moins présent aux côtés d’Eugénie qui avait désormais de bonnes routines et quelques petits contrats pour faire ce qu’elle aimait vraiment : accompagner des artistes dans leurs premiers pas, organiser des expositions, concevoir des publications, développer elle-même ses idées artistiques. C’était extrêmement peu rémunérateur, mais c’est là qu’elle trouvait un vrai sens.

Martial qui voyait beaucoup plus grand lui proposa d’investir dans d’autres affaires que montaient des amis à lui : un cercle sportif fondé par un excellent coach et un business d’achats d’appartements à remettre en état et à décorer pour les offrir à la location par un autre ami qui avait travaillé deux ans dans l’immobilier et y avait vu de vraies opportunités. Ils ciblaient le haut de gamme l’excellence et les investissements à prévoir étaient conséquents. Eugénie hésita, mais céda. Martial était son coach, mais aussi le père d’Agathe et devait comme elle avoir à cœur de lui assurer un avenir et de ne pas les mettre tous sur la paille.

Eugénie ne reconnaissait plus Martial qui de coach inventif s’était transformé en dirigeant d’entreprise un peu infatué et suffisant. Elle s’était lassée depuis longtemps des voyages pour VIP où elle continuait à le suivre. Les photos de famille (car il fallait qu’Agathe soit là aussi) au bord de toutes les piscines du monde, cela devenait vite ennuyeux. Lorsqu’Agathe rentra à l’école, Eugénie tenta de renégocier le pourcentage de Martial. 50 % c’était beaucoup pour quelqu’un qu’elle ne voyait plus que rarement et les retours sur investissements de ses placements se faisaient attendre. Le cercle sportif n’avait toujours obtenu l’autorisation d’ouverture au public et les travaux trainaient dans les appartements.

Une fois de plus Martial fut très ferme : elle avait désormais beaucoup plus de temps à elle avec la scolarisation d’Agathe et lui se devait de conserver un train de vie à la hauteur des personnalités qu’il rencontrait en tant qu’apporteur d’affaires. Eugénie se retrouvait bien seule. Ses amis artistes l’avaient abandonnée, ils se sentaient mal à l’aise dans ce monde de privilégiés, imbus de leurs personnes et de leur excellence, toujours à l’affut de ce qui pourrait maximiser leur bonheur et leur accomplissement. Et puis si tristes et tellement véganes que leurs fêtes ressemblaient à des mises en scène de retraite au couvent.

En grandissant, Agathe devenait moins photogénique, portait des lunettes et rencontrait quelques difficultés d’apprentissage. Eugénie se tourna alors vers toutes les méthodes alternatives, l’art thérapie et même les derniers lieux d’éducation populaire. Sa communauté changea du tout au tout, mais son audience se reconstruisit petit à petit avec des gens qui avaient les mêmes soucis qu’elle. Elle retrouva peu à peu ses amis artistes et fit la connaissance en particulier de Léopoldine, inspectrice des impôts. Ce qu’elles découvrirent en enquêtant sur Martial les amusa beaucoup : il était à la tête d’au moins trois sociétés en plus de son activité de coach et par leur intermédiaire facturait à celles dans lesquels Eugénie avait investi des prestations qui n’étaient autres que les idées d’Eugénie. L’idée d’un contrôle fiscal sur les activités de Martial leur vint un jour pendant l’atelier pâte à sel qu’elles animaient pour une classe de grande maternelle.

(à suivre)

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