Il n'y a pas de potagers dans l'atlas des régions naturelles (classés sous le mots clé "initiative personnelle") et c'est dommage !
Quoi de plus touchant que ces espaces, objets de soins attentifs et permanents, présents partout en France ! Ils sont tellement représentatifs d'une façon de vivre, de garder un lien avec la nature, comme de pourvoir à l'autoconsommation ou un un complément de revenu (essentiels pour certains).
Celui-là a tout ce qu'il faut : la porte d'entrée sommaire mais grillagée, sous le grand arbre et la tonnelle le cabanon pour ranger les outils et le repos du jardinier (ses invitations au jardin aussi), les objets de récupération, les plate-bandes joliment disposées, le coin des herbes aromatiques, l'épouvantail, le vieux poirier déjà orné des bouteilles où grossira la poire qui parfumera l'eau de vie, le robinet d'eau bien emmailloté dans un plaid au cas où quelque gelée viendrait encore (même dans le sud, on n'est qu'au moi de mars), comme les trois plantes au fond protégées par des voiles d'hivernage. Au milieu l'arbre qu'on n'a pas coupé, même si ce n'est pas un fruitier. Au fond encore, le petit chalet du compost.
Castets dans la petite région du Marensin est le siège de la plus grosse coopérative de production d'asperges du sable des landes . Dans le potager photographié, il s'agit sans doute d'une production vernaculaire d'asperges qui complète le revenu d'une famille installée au bord de la route au milieu des bois à quelques centaines de mètres du bourg et de ses lotissements avec piscine. Elle viendra en plus des tomates présentes dans tous les potagers de France pour les coulis et les tomates farcies de l'hiver. Des gens qui portent une grande attention à leurs initiatives personnelles : le totem qui arborait les couleurs nationales en 2018 a été repeint en rouge en 2021 ! Et agrémentent leur petite maison de différents édicules utilitaires qu'on voit bien en mars, mais beaucoup moins bien en été sous les feuilles des arbres.
Mais l'idée se répand, ça gagne sur les pelouses inutiles et gourmandes en tontes, y compris dans mon lotissement plus habitué à la construction de piscine (chez les très rares qui n'en n'ont pas encore). Mon voisin installe une deuxième serre, et pas petite ! (avec déclaration préalable de travaux)
Ma passion des potagers comme trace de l'humain dans le paysage ne date pas d'hier. Lorsque François Bon a conduit son atelier d'écriture dans les pas de Gilles Clément, j'ai donné libre cours à mon observation des jardins. C'est ici pour l'ensemble des textes.
Et ci-dessous pour le mien et mes photos de potagers :
Le vivant et l’humain (des jardins)
C’est à la morte saison qu’il faut visiter les jardins pour y voir les traces de l’humain, plus tard la généreuse nature, le vivant, recouvrira tout.
Le jardin collectif de Chazay d’azergues (route de Marcilly)
À Chazay, c’est le dentiste qui prête (loue ?) aux jardiniers son terrain inondable entre la route et la rivière. De l’autre côté de la route, coule un bief, maintenu en état depuis des décennies, qui alimentait autrefois des moulins sur lequel on a branché les conduites qui viennent jusqu’aux points d’eau des potagers. En hiver, les seules touches de couleur viennent des objets de récupération : tuyau d’arrosage jaune et son enrouleur rouge, gaine électrique annelée orange, broc à eau en métal émaillé bleu, veste de chantier bleue aussi à bandes réfléchissantes, fils électriques jaune, vert, rouge, bleu, mais aussi marron, noir, violet en plus petit nombre. Parfois une barrière peinte, en bleu encore. Tout le reste est couleur de terre ou de ciel d’hiver voilé : les bouteilles plastiques coupées en deux qui protègent le haut de piquets, les bâches plastiques transparentes qui forment des serres artisanales ou les bâches opaques qui servent à lutter contre les mauvaises herbes, les vieilles bobines de câble électrique qui pourraient devenir table d’appoint ou serviront de bois à brûler comme les cagettes de légumes et de fruits s’il n’y a rien à rapporter du jardin, pots de fleurs de toute taille et toute forme qui servent aux semis. Tout est récupéré, tout peut servir. Certaines parcelles sont en friche, propriétaire fatigué ou mort. Lui, il vient tous les matins ; les choux qu’il sème, sa semence vient du Portugal. Ceux de l’année dernière mesurent plus d’un mètre, sa fierté. Bien sûr qu’ils passent l’hiver, c’est avec les feuilles qu’on fait la soupe du soir de Noël. On piégeait le ragondin autrefois et on alignait les cranes aux incisives démesurées en une belle frise clouée sur une poutre de la cabane ; c’est interdit maintenant, on s’en protège avec des barrières enterrées ou bien on ne dit rien. Il y a aussi ces miroirs, l’un cloué à un tronc reflète l’eau de la rivière, l’autre à la porte de la cabane les murs de la cité de Chazay d’Azergues qui étaient défendue par trois enceintes entre le XIIe et le XIIIe siècle.
Les jardins ouvriers de St Florent-sur-Cher (chemin de l’abattoir)
Les jardins ouvriers jouxtent les locaux de l’usine SNWM qui en est propriétaire, à la sortie de la ville. Les barrières, les portes, les chaînes et les cadenas protègent les parcelles ; les fûts, cuves, bacs et citernes récupèrent l’eau de pluie. Sommiers métalliques, plaques de tôle ondulée, treillis de jardins, grillages de toutes mailles et de toute couleur, parfois doublés d’autres grillages, de chantier en plastique renforcé orange ou vert servent à enclore.Les ronces poussées sur le grillage complètent parfois le rempart . Tous récupérés, portes pleines ou vitrées, volets, cadres de fenêtre, pour fermer les points d’accès. Un homme bêche une parcelle enherbée, il agrandit. Sa mobylette est garée contre sa cabane en tôle. Un autre a couvert l’ensemble de son domaine de bâches transparentes, supportées par des piquets. Il a aussi son puits qu’il a creusé, là-bas derrière les cannes de bambou. Il faut aimer la friche, la jachère pour percevoir le charme du lieu, une promesse de production qui améliorera des revenus trop bas.
Les jardins communaux d’Écully (chemin du moulin Caron)
Il y a des règles, une association de gestion, un président. La taille et la forme des parcelles sont normalisées et tous les chalets sont identiques. Le nouveau modèle a des parois rouges, des encadrements de fenêtres blancs et un toit de plaque bitumineuse ondulée enduite d’un vert sombre. Un petit air propret et suédois. Chaque parcelle dispose d’un cheminement bétonné et d’un point d’eau. Les cuves de récupération d’eau des toits viennent en plus et sont d’un beau vert sapin, comme les poteaux, les séparations très basses entre parcelles et les portillons d’accès. Pas de serre improvisée, juste des tunnels et des châssis bétonnés recouverts de vitrage cerclé de métal peint en vert. Les méthodes de culture sont à la page, grelinette et paillage. Il y a une liste d’attente pour les parcelles et tout locataire qui laisse en friche sa parcelle se la voit retirée. C’est un dimanche de printemps ensoleillé, les forsythias sont en fleurs et les pêchers aussi. Beaucoup de jardiniers sont au travail, en couple souvent : plantation des salades de printemps. On travaille au cordeau, on transporte à la brouette. L’épouvantail a une tête de poupée blonde et une jolie jupe bouffante.
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