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Photo du rédacteurDanièle Godard-Livet

Mort d'un voyageur de Didier Fassin


Si vous êtes révoltés par la mort de George Floyd, celle d'Adama Traoré comme celle d'Angelo Garant, lisez Mort d'un voyageur. Une contre enquête. qui vient de paraître au Seuil. C'est un livre tout simple qui se lit facilement. Didier Fassin n'est pas précisément un gauchiste, il est anthropologue, sociologue et médecin, titulaire en 2019-2020 de la chaire annuelle du collège de France "anthropologie et santé publique".


Dans des chapitres séparés, Didier Fassin reprend le plus factuellement possible les témoignages de la famille, ceux des adjudants, celui du procureur, celui du médecin et l'article du journaliste relatant les faits : l'arrestation d'un voyageur qui n'a pas réintégré la prison après une permission de sortir, confiée au GIGN qui se conclura par la mort du jeune homme et un non-lieu en justice.

Il évoque ensuite la mobilisation qui a suivi pour la dignité refusée au mort et le deuil impossible de la famille, pour enfin pointer les incohérences et les contradictions entre les différents témoignages, les modalités de l'instruction, l'absence de véritable reconstitution du déroulement des faits et l'aboutissement au non-lieu, qualifié par le procureur lui-même de vérité judiciaire.

Didier Fassin s'interroge enfin d'un point de vue philosophique et sociologique sur les notions de vérité et de mensonge, le fonctionnement de l'institution judiciaire , l'évolution de la politique de maintien de l'ordre en France et le racisme diffus qui conduit en France comme aux Etats-Unis à des drames.

Enfin dans deux chapitres très touchants, il reconstitue en s'efforçant de mettre en cohérence tous les éléments recueillis, la journée de l'adjudant dont le tir a été mortel et celle d'Angelo qui fut celle de sa mort. C'est sans doute là que Didier Fassin entre le plus dans "le dispositif expérimental d'écriture qui fasse droit aux différentes perspectives" qu'il revendique en introduction.


En refermant ce livre, je ne voyais plus Angelo et sa famille avec les mêmes yeux, je me sentais coupable moi aussi de ce racisme ordinaire qui nous fait négliger la mort à 37 ans d'un manouche dont la première condamnation pour vol remonte à ses 14 ans ; coupable aussi de ne pas faire plus pour m'opposer à l'évolution de la politique de maintien de l'ordre en France.

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